Paul Vancassel : Depuis combien de temps produis-tu des photos abstraites et quelle était ta motivation de départ ? Pourquoi as-tu commencé ces recherches/photos ? Polani : À l’origine de ma passion photographique, il y a l’eau et les reflets de la lumière dans l’eau. En 2007, une expérience douloureuse, m’a éloignée radicalement de la photo carte postale et du « reflet miroir », j’ai eu besoin de création plus personnelle, d’une recherche plus subjective et j’ai produit mes premières photos abstraites, faisant disparaître le paysage et même l’objet, pour n’en conserver que le reflet. En 2011, « Water in the desert », un travail de Gianni Basso, photographe milanais, m’a confortée dans cette recherche. Paul Vancassel : Comment définirais-tu la photographie abstraite. Qu’est-ce que l’abstraction en photo pour toi ? ou qu’est-ce qui importe pour parler d’abstraction ? Polani : L’abstraction pour moi, abolit l’objet photographié, l’existant, pour recréer une image subjective. Dans mon travail, c’est l’eau mouvante qui crée cette alchimie, elle dissout le concret et à partir de cette « dé-construction » naissent des images abstraites qui sont une relecture du réel. Influencée par la peinture abstraite, notamment le courant que Georges Mattieu a appelé « L’abstraction lyrique » (1947), je me suis engagée dans une recherche constante du graphisme et de la couleur. Je me rallie à cette définition du peintre et poète belge Michel Seuphor « J’appelle art abstrait, tout art qui ne contient aucun rappel, aucune évocation de la réalité observée, que cette réalité soit ou ne soit pas le point de départ de l’artiste. Tout art que l’on doit juger, légitimement, du seul point de vue de l’harmonie, de la composition, de l’ordre – ou de la dysharmonie, de la contre-composition, du désordre délibéré – est abstrait » (1949). On parle d’abstraction quand l’œuvre d’art n’est plus le « miroir de la réalité » mais l’œuvre de l’imagination créatrice, plutôt que reproductrice. Paul Vancassel : Quels sont les types d’images abstraites que tu recherches aujourd’hui et comment ta pratique de l’abstraction a-t-elle-évolué depuis le début jusqu’à aujourd’hui ? Polani : Ma recherche, en 13 ans a beaucoup évolué vers une image de plus en plus éloignée de la réalité par un travail sur mes négatifs. Au début, mes photos, prises sans filtre, ni flash, étaient triées au retour de mes longues chasses en solitaire ; je faisais ensuite les réglages avec le logiciel de mon appareil photo pour retrouver l’émotion de la prise de vue. Le besoin m’est venu de donner plus de volume et de relief à mes images. En jouant sur le graphisme et la complémentarité des couleurs de la photo, je crée désormais un « maillage », effet matière proche de la mosaïque. Cette ultime transformation renforce l’abstraction, elle cherche à donner une troisième dimension à la photographie et à mettre l'image en mouvement, cela me conduit à me définir comme photographe plasticienne, selon le point de vue de Gilles Verneret : " Il nous a semblé que les termes « photographe plasticienne » convenaient pour tous ceux qui font passer l'esthétique et la démarche subjective avant la confrontation avec le réel et qui eux-mêmes aiment à se définir comme « artiste plasticien » plutôt que comme « photographe » ..." Interview réalisée le 11 juin 2020, par PAUL VANCASSEL, président de l'association PHOTO à L'OUEST |
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